Bon nombre de propriétaires d’immeubles agricoles ne sont toujours pas conscients que depuis l’introduction en Suisse de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT), le 1 er juillet 1980, les transformations réalisées dans un bâtiment sont soumises à autorisation. Il en va de même pour le changement d’affectation de parcelles et d’installations situées hors de la zone à bâtir. L’article 24 a de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT) traite des « changements d’affectation hors de la zone à bâtir ne nécessitant pas de travaux de transformation ». Cet article a été ajouté en 1998 seulement, lors de la révision partielle de la LAT, et permet une dérogation simplifiée. La loi fixe les conditions à remplir pour qu’un changement d’affectation soit autorisé (voir encadré). Les conséquences résultant d’un tel changement doivent aussi être prises en compte.
Pour les activités considérées comme conformes à la zone, les entreprises agricoles actives n’ont pas besoin de demander une autorisation au sens de l’article 24 a. Les activités agricoles exercées à titre accessoire nécessitant des mesures de construction autorisées par la loi ne sont pas non plus concernées par l’article 24 a. Les bâtiments transformés ou des parties de ces derniers ne peuvent pas être considérés comme construction de remplacement.
Jürg Weber« L’exigence qui consiste à ce qu’il n’y ait pas de nouvelle incidence s’avère être un obstacle très difficile à surmonter »
La situation actuelle est déterminante
Dans la pratique, la condition de l’absence de toute nouvelle incidence sur le territoire, l’équipement et l’environnement représente un énorme défi. Comme le démontrent les exemples qui suivent, en raison de cette contrainte, il est impossible d’émettre un avis général sur ce qui est autorisé et sur ce qui ne l’est pas. Il convient plutôt de tenir compte de la situation spécifique actuelle des bâtiments existants. A ce sujet, il faut tout d’abord déterminer si l’objet est accolé à une habitation, s’il est implanté de manière indépendante sur le domaine ou s’il se trouve directement sur une route cantonale et qu’il est par conséquent correctement ou mal relié aux équipements.
D’une manière générale, on ne peut décrire que de manière approximative les utilisations susceptibles de bénéficier d’une telle autorisation et celles pour lesquelles c’est impossible. Les incidences des affectations envisagées varient en effet énormément selon la situation. A cause des autres exigences à respecter, il se peut aussi qu’il soit nécessaire d’effectuer d’autres travaux de transformation.
Base légale (LAT)
Art. 24 a Changements d’affectation hors de la zone à bâtir ne nécessitant pas de travaux de transformation
- Lorsque le changement d’affectation de constructions et d’installations sises hors de la zone à bâtir ne nécessite pas de travaux de transformation au sens de l’art. 22, al. 1, l’autorisation doit être accordée aux conditions suivantes :
- a. ce changement d’affectation n’a pas d’incidence sur le territoire, l’équipement et l’environnement ;
- b. il ne contrevient à aucune autre loi fédérale.
- L’autorisation est accordée sous réserve d’une nouvelle décision prise d’office en cas de modification des circonstances.
« Dépôts dormants »
A cause de l’évolution structurelle et des mesures de rationalisation à prendre dans les entreprises agricoles, selon les régions et le type de construction locale, il arrive que des bâtiments d’étable et des granges n’aient plus de vocation agricole.
La plupart du temps, les bâtiments en question peuvent être affectés à de nombreux usages. L’utilisation d’une grange par des personnes privées, des associations ou des commerces en tant que local de stockage de matériel ou d’entrepôt pour véhicules est un exemple classique de changement d’affectation répondant à une certaine logique. Il s’agit de dépôts de véhicules rarement déplacés (caravanes, bateaux) ou de matériel utilisé par des associations. Les installations utilisées pour les manifestations comme les bancs et tables de fête appartiennent aussi à cette catégorie. Ces affectations ne requièrent généralement pas de mesures de protection antiincendie et devraient donc être envisageables dans de nombreux cas. Les dépôts utilisés par des entreprises de construction pour y stocker des échafaudages, des éléments spéciaux ou des machines de réserve sont envisageables, pour autant que le site concerné ne soit pas considéré comme le lieu de transbordement principal et ne contienne que du matériel utilisé en période de pointe ou pour des commandes spéciales.
Selon le matériel concerné et le volume que cela représente, dans le cas de l’entreposage de pneus ou de machines et de véhicules à moteur, il se peut que les mesures de protection anti-incendie à adopter et le net accroissement de la circulation et des émissions sonores empêchent une telle autorisation.
Les cantons bénéficient d’une grande marge de manœuvre
L’installation, hors zone à bâtir, du siège proprement dit d’une entreprise commerciale est absolument exclu, même en l’absence de travaux de transformation. L’utilisation d’un dépôt actif et l’installation de postes de travail peut déjà induire une forte circulation supplémentaire, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent sur l’environnement et, éventuellement, sur les équipements nécessaires. La création de postes de travail conformes aux exigences légales implique par ailleurs généralement aussi des mesures de construction dans le domaine de la sécurité et des installations sanitaires.
Bien qu’il s’agisse d’un article relevant du droit fédéral, les explications qui précèdent démontrent qu’en raison des effets sur l’environnement et les équipements, les autorités cantonales en charge de l’aménagement du territoire disposent d’une marge de manœuvre importante dans la pratique. Sur leurs sites internet respectifs, plusieurs cantons ont par ailleurs rédigé des fiches techniques ou des guides consacrés à ce sujet.
Les nouveaux arrêts rendus par le Tribunal fédéral obligent par ailleurs régulièrement les autorités à revoir leur pratique en la matière.
Utilisation des parcelles
En l’absence de travaux de transformation, les parcelles non construites peuvent aussi bénéficier d’une autorisation pour un usage non agricole, à l’image de ce qui est le cas pour les bâtiments. Les places d’atterrissage pour les parapentes ou les places pour la formation des détenteurs de chiens figurent parmi ces exemples. Une autorisation peut être octroyée en vue d’une telle affectation, pour autant que les installations concernées soient utilisées régulièrement. Ces exemples démontrent qu’il peut être plus judicieux, dans certains cas où aucune transformation n’est réalisée, d’étudier ou d’envisager un changement de zone au sens de l’article 24 LAT (avec un lien positif ou négatif au site). Quoi qu’il en soit, avant d’édifier de telles installations et de déposer une demande de permis de construire, il vaut la peine de se faire épauler par un spécialiste expérimenté.
Exemples tirés de la pratique
Exemple 1 : Dans le canton de Zoug, le Tribunal fédéral (AR 1C 254 / 2009) a annulé l’autorisation donnée pour une place de formation de détenteurs de chiens. Le TF a en effet estimé que le fait que l’incidence sur les infrastructures et l’environnement soit conséquente ou négligeable n’est pas déterminant, mais que toute autorisation au sens de l’article 24 a LAT est exclue en cas de nouvelles incidences.
Exemple 2 : Dans le canton de Schwyz, dans le cas d’une place d’atterrissage utilisée par une école de vol, le Tribunal fédéral (AR 119 lb222) a renvoyé à l’instance précédente une autorisation accordée au sens de l’art. 24 a LAT. Le TF a en effet estimé que cette place d’atterrissage avait un effet indéniable sur la zone de protection naturelle située à proximité (avec règlement de protection pour l’aménagement). Selon le TF, la place d’atterrissage limitrophe était déjà mentionnée à titre informatif dans le règlement de protection et les accès à la place d’atterrissage contreviennent à la protection du voisinage. En plus de cela, la place d’atterrissage représente une nouvelle incidence.