Recours de droit public dans le secteur bio
L’agricultrice S. pratique l’agriculture biologique depuis des années. Elle est certifiée. En 2015, son certificat lui est retiré en raison de lacunes supposées en matière de protection des animaux, basées sur des reproches formulés par le service du vétérinaire cantonal. L’agricultrice conteste le retrait de la certification en déposant un recours auprès de l’instance de recours commune indiquée dans son contrat de certification. Cette instance est utilisée par l’organisme de certification de l’agricultrice et par un autre. L’instance commune rejette le recours, sans indiquer les voies de recours possibles. L’agricultrice adresse alors un recours contre cette décision devant l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). Ce dernier met sa compétence en discussion. Tant l’organisme de certification que l’instance de recours affirment que l’OFAG n’est pas compétent.
Nouvelle décision sur recours
L’agricultrice, qui s’est élevée contre les griefs formulés à son encontre par le service du vétérinaire cantonal en matière de protection des animaux, reçoit ensuite une décision sur recours qui la disculpe considérablement. La commission de recours réexamine donc sa décision « pour des motifs d’économie de la procédure » et ordonne à l’organisme de certification de prononcer une nouvelle décision de certification (recertification). Comme l’agricultrice a récupéré son certificat bio, l’OFAG clôt la procédure en prononçant une « décision de classement au motif que le recours est désormais sans objet ». Même si c’est la commission de recours qui a rendu la procédure sans objet, l’OFAG n’accorde aucun dépens à l’agricultrice, sans l’avoir jamais entendu dans cette affaire.
Elle s’adresse alors au Tribunal administratif fédéral de Saint-Gall. Le TAF commence par constater que la question de la compétence pour les recours en matière de reconnaissance bio n’a jusqu’ici jamais été tranchée. Il parvient ensuite à la conclusion que le lien juridique entre l’agricultrice et l’organisme de certification entre dans le champ du droit public, si bien que l’Office fédéral de l’agriculture est compétent pour juger les recours. Le TAF donne aussi raison à l’agricultrice sur le 2 e point du recours : elle a droit à des dépens pour payer son avocat. Comme c’est la commission de recours qui a rendu la procédure sans objet, il n’appartient pas à l’OFAG d’apprécier s’il veut ou pas accorder des dépens à l’agricultrice pour le paiement de ses frais d’avocat.
Conséquences de l’arrêt
L’arrêt B-2170/2016 du TAF crée de la clarté : si un organisme de certification accrédité retire ou annule un certificat en vertu de l’ordonnance sur l’agriculture biologique, le producteur concerné peut déposer un recours devant l’OFAG. Et la décision de ce dernier peut faire l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif fédéral, puis devant le Tribunal fédéral. L’opinion généralement partagée que les commissions de recours internes tranchent en dernière instance ne tient pas. Par conséquent, les décisions de telles commissions doivent être désormais accompagnées de l’indication des voies de droit.
Perspective
Dans une parenthèse, le Tribunal administratif fédéral déclare que le pouvoir de décision de l’organisme de certification « ouvre de nouvelles questions en termes de droit de procédure, notamment du point de vue de l’admissibilité des procédures de recours internes ». Le TAF ne s’est pas prononcé à ce sujet, estimant que la question n’avait pas d’intérêt pour la procédure en cours. Cela signifie ce qui suit : après un retrait de la reconnaissance bio, un agriculteur pourrait potentiellement adresser directement un recours à l’OFAG, sans passer auparavant par une commission de recours interne. Mais jusqu’à ce qu’un tribunal ait réglé cette question, il est conseillé d’adresser un éventuel recours contre une décision de reconnaissance bio non seulement à chaque commission de recours prévue à cet effet, mais également directement à l’OFAG pour que le respect du délai de recours soit assuré. Si la commission de recours interne devait ne pas être compétente, elle perdrait alors son statut « d’autorité ». Ce qui aurait deux conséquences : premièrement, seul l’envoi d’un recours à une autorité soumise au devoir de transmission peut respecter un délai. Deuxièmement, seule une autorité peut transmettre à l’office compétent (OFAG) un recours qui lui a été adressé par erreur.
Auteur
Docteur en droit, Lorenz Strebel est avocat et notaire, Bahnhofstrasse 86, 5001 Aarau. www.strebel-recht.ch