En bref
- Chaque année, en Suisse, environ 500 ex ploitations agricoles ne trouvent pas de successeur adéquat.
- L’abandon d’une exploitation est souvent lourd sur le plan émotionnel, mais il offre aussi de nouvelles perspectives à la famille.
- Une planification minutieuse permet d’identifier à temps les obstacles financiers et juridiques.
D’après l’Office fédéral de la statistique (OFS), environ 25 000 chef·fes d’exploitations agricoles suisses ont plus de 50 ans. Dans toutes ces fermes, ces derniers vont donc réfléchir, ces prochaines années, à la question de leur succession. Pour environ 500 de ces domaines, il est probable qu’aucune solution de succession appropriée (interne ou extérieure à la famille) ne sera trouvée. Le taux d’abandon, qui décrit ce que l’on appelle le changement structurel, est resté relativement constant au cours des dernières années et est donc inférieur à celui de nos pays voisins.
Les retours du terrain des services de conseil permettent d’identifier trois facteurs principaux qui augmentent les chances d’une transmission de l’exploitation au sein de la famille :
- l’exploitation est susceptible d’être maintenue à long terme et n’est pas trop endettée ;
- une personne appropriée est disponible pour prendre la relève et la relation avec les parents est intacte ;
- la reprise est financièrement supportable.
Pas d’intérêt et manque de perspectives
Les raisons pour lesquelles une exploitation doit mettre la clé sous la porte sont multiples. Il n’existe cependant que peu de données statistiques à ce sujet.
Le manque d’intérêt de la jeune génération est l’une des raisons les plus fréquentes.
Dans une enquête réalisée par Agroscope en 2006, le manque d’intérêt de la jeune génération et l’absence des conditions économiques requises sont cependant les motifs les plus souvent cités. Ces résultats coïncident avec les retours du terrain des services de conseil. En outre, on observe que les grandes exploitations trouvent en général plus facilement une succession, car la taille est corrélée avec la capacité économique. Autre constat : il existe peu de différences entre les régions de plaine, de collines et de montagne.
Par ailleurs, l’absence de possibilités de développement peut aussi conduire à l’abandon d’une exploitation. C’est le cas, par exemple, lorsque la construction d’une nouvelle stabulation pour vaches laitières s’avère nécessaire, mais que la jeune génération n’a pas les moyens de la financer après la reprise prévue de l’exploitation. Dans ce cas de figure, l’abandon de la production laitière entraînerait la perte du statut d’entreprise pour l’exploitation. Or, sans ce statut, la génération suivante n’aurait plus le droit de reprendre l’exploitation à sa valeur de rendement. Le fait de ne pas pouvoir construire de nouveaux bâtiments peut donc conduire à l’abandon de l’exploitation et à la mise en fermage des terres.
Le manque d’intérêt de la jeune génération est l’une des raisons les plus fréquentes.
Enfin, la transmission intrafamiliale de l’exploitation est déterminée par des facteurs d’ordre social : dans cette solution de transmission, la cohabitation étroite est source de conflits potentiels et les enfants ou leurs partenaires ne sont pas forcément prêts à accepter cette proximité avec leurs parents.
Activité accessoire, une solution semée d’embûches
L’abandon de la ferme familiale suscite beaucoup d’émotions, tant chez les parents que chez les enfants qui ont grandi à la ferme : l’idée que la maison familiale soit vendue est souvent pour eux une source d’angoisse. Par ailleurs, d’un point de vue juridique, cette solution implique de nouvelles difficultés à surmonter. Souvent, les entretiens de conseil révèlent que les personnes concernées souhaitent que l’exploitation reste dans la famille. Les frères et sœurs sont parfois prêts à renoncer à leurs droits sur la succession si une sœur ou un frère poursuit l’exploitation, éventuellement à titre d’activité accessoire.
En l’absence de statut d'entreprise, le successeur doit en principe payer la valeur vénale de l’exploitation. Si la ferme est vendue en dessous de cette valeur, il en résulte un dessaisissement de fortune chez les parents. Deux problèmes principaux peuvent en résulter : premièrement, les éventuels frères et sœurs de l’acheteur sont désavantagés en raison du prix de vente trop bas (ce qui peut toutefois être réglé par un pacte successoral) ; deuxièmement, un prix de vente trop bas peut signifier pour les parents une réduction voire un refus des prestations complémentaires en cas de besoin ultérieur.
Les deux visages de la cessation d’activité
L’abandon d’une exploitation est souvent un fardeau pour la famille concernée. Cependant, elle peut aussi être un soulagement, car ainsi, la pression économique et l’incertitude ne sont pas transmises aux enfants. Les parents sont alors contents que leurs enfants aient une activité professionnelle régulière et assurée, sans lien avec les difficultés de leur propre exploitation. Il y a également lieu de mentionner que l’abandon d’une exploitation permet toujours à d’autres de s’agrandir, notamment les domaines voisins, qui peuvent ainsi se développer, ce qui se traduit par une meilleure rentabilité de l’ensemble du secteur.
Séparer l’habitation de l’entreprise
En cas d’abandon de l’exploitation, il convient également d’examiner si la maison d’habitation pourrait éventuellement être séparée des autres terres agricoles. Si l’exploitation n’est plus une entreprise agricole, mais un immeuble agricole au sens de l’art. 6 de la loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR), il est possible de séparer la maison d’habitation de l’exploitation avec quelques aménagements et de la gérer comme un immeuble séparé. Cette séparation doit être autorisée et entraîne un transfert fiscal dans la fortune privée. La nouvelle parcelle de la maison d’habitation n’étant plus soumise à la LDFR, elle peut donc être vendue sans autorisation.
Diverses solutions d’abandon de l’exploitation
Les conséquences financières de l’abandon de l’exploitation pour la génération sortante sont variables. En cas d’amortissements élevés pendant l’activité commerciale, il faut partir du principe qu’il y aura un bénéfice de liquidation imposable. Celui-ci est également à prévoir s’il y a des terrains à bâtir dans la comptabilité.
Mise en fermage ou vente
- Dans le cas d’une mise en fermage par parcelle ou d’une mise en fermage de l’entier de l’exploitation, il faut savoir que les loyers ne suffisent souvent pas pour réaliser des investissements importants à long terme dans les bâtiments – le loyer du fermage ne permet pas de s’enrichir.
- Enfin, en cas de vente à la valeur vénale à des tiers, il faut également s’attendre à un bénéfice imposable. Les conséquences des différentes solutions peuvent être évaluées plusieurs années à l’avance en recourant à des services de conseil.