En bref
- Le mélange entre intérêts de la famille et ceux de l’exploitation est souvent source de tensions.
- Une communication ouverte avec une définition claire des rôles est la clé pour bien gérer les conflits.
- L’aide d’un·e professionnel·le peut contribuer à dénouer des situations bloquées dans les exploitations familiales.
Gérer une exploitation en famille, ce n’est pas une sinécure. Différends et blocages ont des répercussions à la fois personnelles et professionnelles, car les deux aspects sont intimement liés. Transmission de la ferme, nouvelle orientation ou héritages constituent un terreau fertile pour les conflits intergénérationnels ou entre frères et sœurs. Les personnes concernées sont alors rapidement entraînées dans une spirale qui a un coût élevé, tant sur le plan financier que sur le plan émotionnel.
A la fois parents et associés
Etre une entreprise familiale et une famille d’entrepreneurs tient de la gageure. En effet, si dans une famille, le plus important, ce sont avant tout les relations interpersonnelles, la gestion d’une entreprise est quant à elle affaire de pragmatisme. Les deux visions sont, en soi, logiques et rationnelles, elles s’accompagnent cependant chacune de leur faisceau de règles. Ainsi, les membres occupent chacun un double rôle (mère et cheffe d’exploitation par exemple), avec des tâches, des compétences et des responsabilités qui leur sont propres.
Or, si l’on n’a pas conscience de ce faisceau de règles distinct et de ce double rôle, si on les mélange ou si l’on change de casquette sans s’en rendre compte, les autres peuvent ressentir confusion et irritation, car ils ne savent pas ce qui est attendu d’eux en termes de rôles, de compétences et de responsabilités lors des échanges et négociations. Ce mélange des rôles relevant souvent d’un comportement inconscient, il est difficile de le corriger, ce qui débouche sur des conflits mis sur le compte de caractères difficiles, de luttes de pouvoir et de blocages. Impossible dès lors de prendre des décisions.
Attentes, vexations et émotions
Passer les rênes à une nouvelle génération est une étape particulièrement délicate : d’un côté, une grande part d’affect et d’argent entre en jeu ; de l’autre, la mise en place de bonnes solutions prend du temps. Par ailleurs, cette passation implique de transmettre et de reprendre l’œuvre d’une vie, à laquelle toutes les personnes impliquées s’identifient différemment. Il s’agit donc d’un processus à la fois personnel et professionnel, rendu difficile par la pression financière, le fait de vivre sous le même toit et le lien fort avec la terre et la ferme. Une seule solution : communiquer. Pour ce faire, il faut faire preuve de courage, savoir écouter et s’exprimer avec honnêteté et transparence. De même, il convient d’établir des règles strictes pour régir la famille et l’exploitation.
Il est possible de sortir des schémas existants.
Vexations et attentes tacites peuvent mettre à mal des solutions de transmission minutieusement élaborées. Même après la reprise, ces émotions sous-jacentes empêchent une bonne répartition du travail et perturbent la collaboration avec les successeurs·euses ou celle entre les générations, les conjoint·es ou les frères et sœurs.
Clarification par toutes les parties concernées
Il est normal que les deux parties (celle qui transmet et celle qui reprend) ressentent des hésitations et des sentiments ambivalents. Il convient non seulement de connaître les informations clés relatives à l’entreprise, mais aussi de montrer de la motivation, du courage, de la compétence et de la confiance en soi. Il faut en outre être en mesure d’exprimer clairement sa position. Ces impératifs impliquent de faire face à ses craintes, à ses incertitudes et à ses propres attentes. Parfois, ces sentiments ou désirs peuvent, chez les deux parties, inconsciemment nuire à une évaluation objective des compétences et affaiblir la volonté de reprendre l’exploitation.
Définition des tâches et des responsabilités
Un changement à la tête de l’exploitation constitue un nouveau départ qui a un impact non seulement sur l’ancienne génération, mais aussi sur le personnel, sur les partenaires contractuels et sur la clientèle, sans oublier les membres de la famille qui ne participent pas à l’activité commerciale. Le processus de transmission ne peut réussir que si l’ancienne génération soutient le processus de succession. Cependant, cette passation ne fonctionne pas toujours dès le début, un échec qui tient bien souvent au fait que les tâches et les responsabilités n’ont pas été clairement définies. Par exemple, la jeune génération peut considérer le respect de normes de sécurité modernes comme une priorité alors que l’ancienne génération reste attachée à des méthodes de travail plus risquées, les trouvant plus efficientes. Aborder et clarifier les questions en suspens et les attentes est certes un pari risqué, mais le jeu en vaut la chandelle pour l’exploitation et la famille. Toutes les personnes concernées doivent s’asseoir autour d’une table, examiner la situation sous tous les angles et planifier une démarche commune.
Oser le changement
La famille reste une structure complexe et fragile qui s’appuie sur des schémas de communication et de conflit qui se répètent, semblant immuables. Pourtant, il est possible de sortir de ces schémas et de les faire évoluer lentement. Pour ce faire, il faut se montrer curieux et se demander ce qui se joue réellement plutôt que de réagir à chaud et de se laisser emporter dans les spirales dramatiques que nous connaissons bien.
Notre conseil
Huit recommandations pour le travail quotidien
- Prenez le temps de réfléchir avant de prendre des décisions.
- Tentez de dissocier la personne du problème.
- Déterminez si votre problème concerne votre rôle au sein de l’exploitation ou de la famille.
- Partez toujours du principe que l’autre partie a (aussi) de bonnes intentions.
- Ecoutez attentivement, posez des questions et laissez-vous surprendre par les idées et les souhaits de la personne en face.
- Acceptez qu’il existe plusieurs bonnes façons de faire.
- Attendez cinq secondes avant de répondre.
- Respirez profondément avant de répondre.
Médiation
Malgré des efforts soutenus, les conflits peuvent s’envenimer. Mieux vaut alors prendre le taureau par les cornes et faire appel à un·e professionnel·le. Ce type d’aide peut également s’avérer utile si l’on veut prévoir une transition en douceur ou s’asseoir ensemble autour d’une table afin de définir l’organisation du travail, les responsabilités et les compétences au sein de l’exploitation familiale. Une médiation n’est ni une séance de conseil ni une thérapie, mais une discussion lors de laquelle tout le monde peut s’exprimer. Conflit rural
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