Les effets de la sécheresse et de la chaleur dépendent d’un grand nombre de facteurs tels que l’intensité et la durée des facteurs de stress ainsi que le moment de leur apparition pendant la période de végétation. A la demande de Suisse Grêle, de fenaco et de l’Union suisse des paysans (USP), Agroscope a réalisé l’étude « Les grandes cultures résilientes au climat à l’horizon 2035 » (lien, l’étude est en allemand seulement) ; l’objectif du projet était de documenter l’état actuel des connaissances et des pratiques, de proposer des mesures d’adaptation possibles et d’identifier les lacunes dans ces connaissances.
Afin d’augmenter la résilience climatique des grandes cultures suisses tout en préservant le potentiel de production et en assurant la sécurité alimentaire, il s’agit de mieux veiller à adapter l’irrigation et les systèmes de production, mais pas seulement : il faut aussi considérer des grandes cultures alternatives ainsi que cultiver et sélectionner des variétés qui tolèrent la sécheresse.
Variétés tolérant la sécheresse et la chaleur
Les variétés tolérant la sécheresse et la chaleur étant la pierre angulaire d’une agriculture résiliente face aux aléas du climat, il convient à l’avenir d’orienter la sélection végétale en ce sens (cf. encadré). Dans les essais variétaux actuels, il n’existe pas de critères agronomiques pour tester le stress dû à la sécheresse et à la chaleur. Pour réaliser l’objectif précité, il est crucial d’optimiser la productivité de l’eau (c.-à-d. d’obtenir un meilleur rendement par quantité d’eau consommée).
Sélection de variétés tolérant la sécheresse
Dans le monde entier, la sécheresse représente le principal facteur de stress environnemental qui limite la productivité des plantes utiles. Pour augmenter la résilience climatique visée, il sera crucial – à moyen et à long terme – de sélectionner des variétés tolérant cette sécheresse. A cet effet, les mesures telles que la dissection génétique, l’identification des gènes concernés et l’intégration d’un phénotypage efficient se sont révélées prometteuses pour les principales plantes cultivées.
Les nouvelles technologies de sélection développées au cours des dernières décennies (p. ex. marqueurs moléculaires, sélection génomique) et les techniques de génie génétique (p. ex. transgénèse, édition génomique et épigénétique) montrent qu’il est possible d’obtenir des plantes utiles résistantes à la sécheresse. Ainsi, en Argentine et au Brésil est cultivée une variété de blé transgénique tolérant ce type de stress. Pour ce faire, un gène de tournesol favorisant cette caractéristique a été intégré dans cette variété, une modification qui fait qu’un mécanisme de protection se déclenche au sein de la plante en cas de stress hydrique. Dans des essais avec la variété en question, le rendement du blé a crû d’environ 20 % dans des conditions de stress. L’utilisation des nouveaux outils et technologies de sélection promet d’accélérer la création de variétés résistantes faces aux aléas du climat.
Texte: Boulos Chalhoub Groupe de recherche Amélioration des grandes cultures et ressources génétiques, Agroscope
S’agissant des mécanismes de réponse à la sécheresse, les différences entre variétés observées se situent à plusieurs niveaux : dans les grandes cultures, de nombreuses variétés à floraison ou maturation précoces parviennent à éviter le stress dû à la chaleur ou à la sécheresse estivales, mais au prix d’un rendement potentiellement plus faible. De même, les variétés présentant un système racinaire profond, une sénescence (vieillissement) réduite des racines après la floraison ainsi qu’un rapport racine / pousses plus élevé absorbent mieux l’eau dans les sols profonds.
Maintenir l’osmorégulation
Les différences variétales observées ne concernent pas que les stratégies d’évitement du stress, mais aussi les mécanismes physiologiques de tolérance de la sécheresse – l’ajustement osmotique étant le plus important parmi ceux-ci. Ce dernier rend possible l’accumulation de solutés au sein des cellules, protégeant celles-ci contre la perte de turgescence (effondrement des cellules).
Des essais variétaux nationaux tenant compte des variations variétales sont à l’avenir de mise.
En outre, plusieurs études ont montré que l’accumulation de différentes protéines (p. ex. proline) dans les cellules végétales améliore les performances malgré une disponibilité réduite de l’eau. Des études supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre comment ces adaptations physiologiques (et d’autres mécanismes) contribuent à surmonter les périodes de sécheresse tout en réduisant les pertes de rendement. Enfin, des essais variétaux nationaux tenant compte des variations variétales liées au stress climatique sont à l’avenir de mise, afin de pouvoir proposer des variétés qui tolèrent la sécheresse et la chaleur pour les grandes cultures suisses.
Cultures alternatives, partie intégrante de la solution
Si le potentiel d’un grand nombre de cultures alternatives adaptées à la sécheresse et à la chaleur (p. ex. sorgho, quinoa ou pois) pour l’alimentation humaine a été reconnu, l’introduction de ces dernières dans la production agricole courante reste difficile : d’une part, les rendements varient d’une année à l’autre ; d’autre part, la demande pour ces produits est plutôt faible et les possibilités de transformation sont parfois inexistantes. De plus, la protection douanière pour ces cultures n’est pas adaptée – voire fait souvent totalement défaut. Ainsi, pour que ces cultures alternatives puissent s’établir durablement, il est nécessaire que les acteurs·trices concernés (politique agricole, agriculture, transformation et commerce) s’impliquent en continu.